La statue de l'enfant royal
© Laurent Uroz - Direction de la communication Ville d'Agde
Cette statue est le portrait d’un jeune garçon, d’environ six ou sept ans. Il porte une tunique courte ceinturée, et un manteau rejeté en arrière et attaché par une fibule ronde sur l’épaule droite. Cette statue a perdu ses yeux, sa main gauche et ses boucles d’oreilles, puisque l’on remarque que les deux lobes sont percés. Cette œuvre est d’une qualité indéniable et d’une originalité troublante.
L’ensemble des vêtements et des attributs est exceptionnel. Chaque pan du manteau triangulaire est finalisé par trois glands pour tendre l’étoffe dans le dos. La présence des sandales intrigue, car habituellement les enfants sont toujours pieds nus. Le bracelet en forme de serpent à la cheville droite est normalement porté chez les femmes au poignet. Enfin, depuis une époque ancienne, seuls les souverains orientaux portent des boucles d’oreilles.
Sur le crâne, une grosse tresse est ramenée en avant – comme sur l’Eros – ; un ruban figure un foudre. Ce type de ruban est plutôt un symbole funéraire, que l’on trouve toutefois également ; sur les enfants mis sous la protection de divinités égyptiennes. Le foudre gravé sur le ruban est l’attribut traditionnel de Zeus. Or seuls les rois représentés sur leurs monnaies et sur leurs armes montrent le foudre : le dieu du ciel les protège car ils sont les successeurs d’Alexandre, qui se présentait comme le fils de Zeus.
© Pierre Arnaud
© Pierre Arnaud
Ce visage rond, ce sourire typique et ces grands yeux cernés de khôl – tel les pharaons d’Egypte – tous ces éléments sont caractéristiques de l’époque hellénistique : le manteau royal, le foudre, les boucles d’oreilles, le bracelet. Cette statue représente l’un des fils de Cléopâtre VII : sans doute Césarion dont le père était Jules César.
Il a donc la double culture : il est romain par son père et égyptien d’origine grecque par sa mère. Césarion avait une titulature royale, en tant que futur souverain sous le nom de Ptolémée XV. Mais il ne montera jamais sur le trône, car après la bataille d’Actium et la mort de Cléopâtre et de Marc Antoine, il sera exécuté par son cousin Octave. Ce dernier, désireux de n’avoir aucun rival à moyen et à long terme, s’assure ainsi le contrôle de l’Egypte. Césarion avait alors 18 ans.
Cette statue a sans doute été revendue pour décorer une villa de l’Empire, des décennies après la disparition de tous ces protagonistes.
Cette œuvre majeure des collections du Musée date vraisemblablement du Ier siècle avant ou après Jésus-Christ.
Bibliographie :
Les deux statues d’enfant en bronze (Cap d’Adge) : étude iconographique et technique, Benoît Mille, Loretta Rossetti, Claude Rolley (†), Edilberto Formigli et Michel Pernot
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